"L'important c'est pas d'être le plus gros connard, c'est d'être le plus performant."
Eté 98', on est sous deux parasols "lipton" jaunes dégarnis le soleil tape comme une salope à qui on aurait brisé le coeur alors qu'elle nous poignarde depuis le début.. Tsss.. pétasse de chaleur. Mon verre est quasi vide et se remplie de l'eau des glaçons, je souffle d'exaspération c'est dégueulasse. Mon ami de toujours lui, sur le transat à moitié troué a la belle vie, du moins il croit l'avoir, dégaine d'un goldboy des années 80' il s'étend et se relaxe comme si il était sous les cocotiers de n'importe quel foutu endroit du globe où l'on rêve de se retrouver un matin avec une femme qu'on ne mérite même pas d'imaginer dans nos plus grands rêves.
J'apprécie ce type, son franc parler, sa manière nonchalante d'aimer la vie, même quand elle le baise, surtout quand elle le baise à vrai dire. Je m'amuse à faire taper les glaçons entre eux dans mon verre. On se croirait dans une villa mais on fait juste dos à l'appartement dans lequel on est, le nord de la France n'est pas le paysage d'Honolulu, mais on s'adapte à ce genre de connerie.
Je repose mon verre et tente de me lever pour aller me chercher une autre bouteille fraîche; il s'étire :
" Tu te rappelles petit quand on rêvait de braquer le monde ?"
" C'est toujours d'actualité" lui ai-je répondu avec un sourire qui lui fit souffler du nez, il remonte ses lunettes et les yeux frappés par le soleil nordique français avec une esquisse bien provocante dont seul lui a le secret;
"T'es mal partie."
Je tourne le dos à notre contexte de vacancier chômeur, direction le frigo la bouteille d'eau n'attend que moi tout en lui répondant;
"Les grandes histoires ont des débuts médiocres."
"Tu parles toujours pour rien."
"Ca fait partie de mon charme."
"Non t'es dégueulasse."
Je marque une pause, front levé au ciel, main sur le menton façon penseur je ricane et le pointe du doigt;
"C'est juste un détail ça, mais un point pour toi."
Aujourd'hui je regrette de ne plus avoir à partager ce genre de chose avec quelqu'un, simplement parce que je ne suis peut être pas quelqu'un de suffisamment accompli, mais c'est pour ce genre de souvenir que je fais tout ça, que j'en sacrifie des tonnes, qui représentent pas beaucoup pour énormément de gens, mais c'est pour moi, mon monde que je fractionne petit à petit pour dessiner les contours d'un endroit dans lequel j'aimerai m'épanouir. Les contours sont si fin que j'en ai acquis la certitude que ce monde ne peut contenir qu'une seule personne.
PS: Merci pour vos mails touchant, c'est un plaisir bien particulier que de savoir que certains ont l'étrange goût d'aimer lire ce que j'écris au petit matin.



