vendredi 8 juin 2018

Chapitre 696 - Il y a des instants qui contiennent des vies entières.





"L'important c'est pas d'être le plus gros connard, c'est d'être le plus performant."


Eté 98', on est sous deux parasols "lipton" jaunes dégarnis le soleil tape comme une salope à qui on aurait brisé le coeur alors qu'elle nous poignarde depuis le début.. Tsss.. pétasse de chaleur. Mon verre est quasi vide et se remplie de l'eau des glaçons, je souffle d'exaspération c'est dégueulasse. Mon ami de toujours lui, sur le transat à moitié troué a la belle vie, du moins il croit l'avoir, dégaine d'un goldboy des années 80' il s'étend et se relaxe comme si il était sous les cocotiers de n'importe quel foutu endroit du globe où l'on rêve de se retrouver un matin avec une femme qu'on ne mérite même pas d'imaginer dans nos plus grands rêves.

J'apprécie ce type, son franc parler, sa manière nonchalante d'aimer la vie, même quand elle le baise, surtout quand elle le baise à vrai dire. Je m'amuse à faire taper les glaçons entre eux dans mon verre. On se croirait dans une villa mais on fait juste dos à l'appartement dans lequel on est, le nord de la France n'est pas le paysage d'Honolulu, mais on s'adapte à ce genre de connerie.

Je repose mon verre et tente de me lever pour aller me chercher une autre bouteille fraîche; il s'étire :

" Tu te rappelles petit quand on rêvait de braquer le monde ?"
" C'est toujours d'actualité" lui ai-je répondu avec un sourire qui lui fit souffler du nez, il remonte ses lunettes et les yeux frappés par le soleil nordique français avec une esquisse bien provocante dont seul lui a le secret;
"T'es mal partie."

Je tourne le dos à notre contexte de vacancier chômeur, direction le frigo la bouteille d'eau n'attend que moi tout en lui répondant;

"Les grandes histoires ont des débuts médiocres."

"Tu parles toujours pour rien."

"Ca fait partie de mon charme."

"Non t'es dégueulasse."

Je marque une pause, front levé au ciel, main sur le menton façon penseur je ricane et le pointe du doigt;

"C'est juste un détail ça, mais un point pour toi."

Aujourd'hui je regrette de ne plus avoir à partager ce genre de chose avec quelqu'un, simplement parce que je ne suis peut être pas quelqu'un de suffisamment accompli, mais c'est pour ce genre de souvenir que je fais tout ça, que j'en sacrifie des tonnes, qui représentent pas beaucoup pour énormément de gens, mais c'est pour moi, mon monde que je fractionne petit à petit pour dessiner les contours d'un endroit dans lequel j'aimerai m'épanouir. Les contours sont si fin que j'en ai acquis la certitude que ce monde ne peut contenir qu'une seule personne. 



PS: Merci pour vos mails touchant, c'est un plaisir bien particulier que de savoir que certains ont l'étrange goût d'aimer lire ce que j'écris au petit matin.

jeudi 7 juin 2018

Chapitre 695 - Je crois que je déraille







Je pense à tord que l'on devrait tout dire, je fais très souvent machine arrière sur cet instant, comme un soldat qui pose le pied sur une mine en sachant l'entrave dans laquelle il se met par manque de prudence. On peut tout dire mais pas à tout le monde, tout le monde n'est pas suffisamment bon pour entendre ce qu'il y a, a dire. C'est terrible de devoir attendre que les personnes qui vous entoure, vous connaissent un minimum pour pouvoir vous ouvrir. Leur faire comprendre que ce que vous faites est incroyablement rare. Pardon ma chérie, mes phrases divaguent et se font renverser par une mer de doute, et rien n'a vraiment de sens pas vrai... Ce que je veux t'écrire, c'est tout d'abord que c'est la peur du manque de reconnaissance envers ce qu'ils font qui poussent les gens à ne pas s'ouvrir. Savoir que des paroles que l'on ne dit jamais ne vont pas résonner aux oreilles de quelqu'un comme quelque chose de rare selon ce que l'on est ne nous donne pas envie de parler. Regarde-moi par exemple, je hais parler de moi, pourtant penses-tu que quelqu'un m'écoute quand je fais l'effort de parler de moi sous prétexte qu'on me pose une question personnelle ? Le soucis c'est qu'on apprend aujourd'hui à rater l'essentiel. C'est une culture sociale, tout un art, de ne plus écouter celui qui nous parle, de ne pas faire attention à ce qui est, de simplement attendre son tour pour parler. À quoi ça sert de parler si personne n'écoute ?

Je pense à raison que l'on devrait choisir les moments où dire quelque chose de personnelle mais trop peu personnel pour qu'il soit distinctement souligné et suffisamment pour être entendu. C'est tristement beau, mais c'est l'absence de phrase qui crée l'importance. Ne pas dire à quelqu'un de cher qu'il nous est cher pendant une période suffisamment longue rend alors la prochaine déclaration beaucoup plus importante. On est plus sensible à l'absence qui provoque le manque, qu'à la présence qui donne la satisfaction. Autrement dit pour rendre la véritable valeur sur le moment que l'on aurait de s'ouvrir à une personne, serait de lui avoir fait comprendre depuis notre connaissance que nous sommes tout l'inverse de ce que l'on s'apprête à faire.

Les opposés attirent. Tout paraît si simple quand cela se fait tandis que les explications paraissent si ardues. C'est si beau cette illusion de facilité, cette flaque d'eau qui soudainement nous noie dans les profondeurs des plus grands tombeaux des navires.

J'ai fais le choix de ne plus rien dire et de faire semblant de m'ouvrir, parce qu'au fond j'ai peur de ne pas être pris au sérieux dans ce que je suis réellement, davantage encore qu'on ne comprenne pas l'importance que j'attache à ce que je déclare, les nuits de folies m'ont parues si longues que j'en refuse l'anarchie environnante. Tout me rassure quand je fais semblant, je sais intimement que je ne suis pas le seul à faire ça, car il a suffit d'une grande déception de la part d'autrui pour ne plus en vouloir.

Les gens tout comme nos sentiments sont temporaires, et tu sais mon ange, j'essaie de me dire la même chose à propos de mes peurs, est-ce que j'ai peur de ne pas être assez bien pour les autres parce que j'ai cessé de croire que j'étais bon pour moi-même ? Il y a des jours où je me donne raison, et des soirs comme celui-ci où je me donne tord. Je suis torturé, on l'est tous, à différent degré.


dimanche 3 juin 2018

Chapitre 694 - Blood










" On écrit pas quand on est heureux. ", c'est vrai, personne n'écrit quand il est heureux, peut-être parce qu'il est quasiment impossible de définir correctement par des mots le bonheur et la joie qui nous est procurés à instant précis de notre vie. Personne écrit quand il est flamboyant, la littérature des années après, des siècles même fait figure de lieu de tristesse. Elle est très certainement le moteur d'une inspiration mélancolique qui a permis l'écriture des fleurs du mal ou la monotonie désastreuse du dernier jour d'un condamné à mort. Je crois qu'on ne sait pas écrire correctement la joie, on ne sait qu'en profiter pleinement, nous ne sommes tout compte fait, dans un doute, pas adapter à écrire plus que l'on ressent. Un auteur, un écrivain, c'est avant tout quelqu'un qui cultive sa tristesse et pour les plus audacieux la nostalgie. Hugo disait que la mélancolie, c'est la joie d'être triste.

vendredi 1 juin 2018

Chapitre 693 - Celui qui connaît l'histoire



Il n'était pas le plus intelligent de tous, cependant il était malin. Il avait vite compris la nature humaine à force de voir des gens qui lui ressemblait. Il accumulait suffisamment d'expérience pour savoir ce qu'il en était de paroles et des actes des personnes qu'il pouvait croiser au cours de sa vie. Ainsi il fit une liste des choses qui lui paraissaient dangereuses, d'abord les promesses ensuite les émotions et finalement le passé. Il savait qu'il n'avait rien à tirer du passé, que celui-ci n'était qu'un avertissement pour que les autres instants ne se répètent pas. Pour les émotions il parvenait non sans mal à comprendre qu'elles n'avaient parfois pas d'autre sens que de faire souffrir. Le plus dur restait pour lui les promesses des gens qui étaient liées à leur nature, et donc à la sienne. Il se savait des leur et c'est pour ça qu'il ne pouvait pas se supporter, il se détestait d'être d'eux.

Il régla donc le plus gros problème de sa vie d'une manière simple, les gens peu importe qui ils étaient dans sa vie partaient toujours, c'était sans doute le trait le plus détestable qu'il pu connaître à ce jour d'eux, ils partent et partiront. Ils partiront toujours. Il en eu marre un beau matin ce gosse malin, il les a tout bonnement empêcher de s'installer, en faisant ça ils ne pouvaient pas venir pour repartir. Il les prenaient à sens unique et ne cherchait pas à en retirer autre chose, il refusait tout stop, toute pause au milieu de ça, un flux continu qui ne devait jamais s'arrêter sous prétexte de les voir partir encore et encore avec toujours la même idée qui devait rester fidèle que chaque personnes étant différentes ne se valaient pas. A force de cicatrice il connaissait la véritable règle : ce ne sont pas les mêmes personnes mais c'est le même genre de personne.

De malin il était devenu intelligent, si il ne pouvait pas empêcher les gens de partir, il les empêcherait alors de venir. Il vécu en se protégeant de la meilleure manière qui soit sans jamais être atteint par les personnes qu'il voyait, et dû accepter le revers de lame, de ne jamais atteindre qui que ce soit. Il vécu en se tenant à distance d'autrui désignant ainsi ses cicatrices comme son emblème, car celui qui connait l'histoire, ne la répète pas.