Puisque Rien Ne Dure


Un an plus tard , après neuf autres livres , il n'y en a toujours aucun. Qui me brutalise d'une façon si belle que ce livre. Nabokov remplacé ? Je ne crois pas. Nabokov dépassé ? J'en doute. Mais bon "puisque rien ne dure " , je ne sais. Ce que je devrai savoir. Ce livre reste à ce jour le seul. Qui parle à mon coeur , plus que je pourrai réussir à le faire. Il y a les mots , les émotions dont mon coeur manque et que je me refuse à lui donner. A tel point que pleurer après quatre pages de ce livre est une habitude. J'en suis certains maintenant. Trois cent soixante-cinq jours plus tard. Il y a de la vie dans ses pages. Il y a le lien impossible à tisser. Il est mon préféré. Ma préférence. Je ne le conseil qu'à des gens brisés. Des épaves. Et à personne d'autres. Pas même au putain. Ni au abruti. Il y a trop de maturité , trop de vie à côté de laquelle vous pourriez passer. C'est l'hymne à la vie. Les mots magiques y sont. Il est dit d'ailleurs dit , qu'en chaque être , existe une parole. Une parole qui si elle est dite , faite naître un désir instantanée d'amour. Un besoin brut et direct qui ne s'arrêtera jamais. C'est ça , le lien "impossible". Celui de réussir à dire , au mot près , à la lettre prête , exactement la parole qu'il faut pour ne plus parler à la personne , mais au coeur. On en raconte que ce lien rend la personne , le coeur , l'être irrémédiablement amoureux de vous , pour le reste de sa vie ; chamboulée jusqu'à la dernière seconde. Ce livre , donne le premier pas vers l'existence de ce lien. 





" L'éternité n'est pas dans le temps , elle est dans la profondeur "

" Je ne savais pas que les mots peuvent sauver. Aujourd'hui je le sais. "

" Soi sage ô ma douleur et tiens toi tranquille , parce que c'est la seule manière pour moi de tenir debout. Je le sais , la seule manière. "

" Les murs entre lesquels je vis enfermé, des murs qui ne peuvent accueillir que toi et moi les autres ne pouvant nous rejoindre, les autres étant ailleurs, loin, loin de nous puisque ces murs sont notre solitude, toi te heurtant à moi, moi me heurtant à toi, sans que ni l'un ni l'autre ne puissent échapper à cette fatalité, depuis cet après-midi c'est la même épuisante sensation, je prononce ton nom et chaque fois il me semble ne pas être celui qui le prononce, comme si un autre se substituait à moi, comme si un autre s'emparait de moi; comme si j'allais bientôt m'effacer. Je me perds. Qu'on me sauve, je me perds. Qu'on me prenne dans les bras. "

" Toi disparue, je vacillerai. Sous mes pieds la terre ne sera plus jamais ferme. "

" Je pensais que nous ne nous reverrions jamais: ce que nous avions traversé ressemblait à une chute lente et silencieuse, comme dans ces rêves d'enfant qui , des années après, continuent de nous poursuivre. Amarrés l'un à l'autre, nous n'en finissions pas de tomber; il a fallu que nous nous séparions. [..] Ne sais-tu pas que je suis un lâche, que la mort me terrifie et le passé aussi, notre passé, celui auquel je ne veux plus penser, celui que depuis quinze ans j'ai rayé parce que je ne pouvais pas faire autrement, comprends-tu , c'était lui ou moi et moi je ne voulais pas mourir, j'avais quarante ans, je voulais encore me sentir vivant, éprouver le plaisir, éprouver la joie , je ne voulais pas que mon corps s'en aille en pourriture, que de moi, Vincent, il ne reste rien , un nom sur une tombe, rien comme si je n'avais pas vécu, parce que je n'avais encore rien fait qui puisse me survivre, ou plutôt si, ce que j'avais fait, ce que nous avions fait avait disparu, alors moi je ne voulais pas disparaître à mon tour, je voulais m'accrocher , résister, vivre, encore, vivre. "



" Je ne sais que penser. Je suis au volant de ma voiture lancée à toute vitesse sur l'autoroute, de minute en minute je me rapproche de toi et je sens quelque chose gronder en moi, qui ressemble à la peur. J'essaie de me dire que tu es en train de mourir mais je n'arrive pas à comprendre ce que cela signifie. Je n'y arrive pas. Je prononce les mots d'un autre : Tu es entrain de mourir. Mais ça ne veut rien dire , ça n'a aucun sens. "

" Quand bien même on s'est efforcé du contraire ; le passé vit en nous. Masse informe tapie au plus profond de soi, qu'on pourrait croire endormie.. Mais qui veille. "


" Certains déserts ne se traversent que dans un sens . "

" Ce n'est pas une journée pour mourir. C'est idiot de penser ça, bien sûr: il n'y a pas de jour pour mourir. Mais je ne sais plus penser ce soir, alors je me donne le droit de rêver, comme le font les enfants, je me donne le droit de rêver qu'on ne peut pas mourir lorsque la nature est resplendissante. "

" Mais mais je n'ai pas mené de combat. Je n'ai pas eu ce courage . Je me suis simplement efforcé de vivre avec ma douleur. Comme une compagne indésirable avec laquelle on est obligé de cohabiter. Je n'ai jamais accepté. Jamais. "

" Je ne peux pas rebrousser chemin. Je ne peux plus tricher. Je vais au-devant de toi et c'est comme aller au-devant d'un abîme. "


" Pourquoi as-tu besoin de me revoir ? Tout n'a-t-il pas fini il y a quinze ans ? Les années qui se sont écoulées depuis, au cours desquelles je me suis appliqué, chaque jour, de toutes mes forces, à ne pas penser à toi, à ne pas penser à nous, soudain nous n'avions pas existé, c'était si simple, il suffisait d'y croire, nous n'avions pas existé puisque c'était fini, qui aurait pu me forcer à me souvenir de nous, c'était fini, il ne restait rien de nous avions-nous seulement existé, les images qui me traversaient parfois, fulgurantes, douloureuses, n'étaient-elles pas les images d'un rêve ou d'un livre que j'aurais lu ? Je pensais être parvenu à me déposséder de nous. "



" L'homme croit aux miracles. Même dans les circonstances les plus dramatiques, il croit encore qu'il peut s'en sortir. C'est sans doute pour ça qu'il parvient à tenir debout dans l'enfer. "

" Si à cet instant, nous avions pu nous parler, ou nous étreindre , ou tout au moins accepter le regarde de l'autre, sans doute aurions-nous pu nous retrouver, et peut-être traverser ensemble la tourmente. Je ne sais pas pourquoi j'ai baissé les yeux. J'ai compris que nous étions entrain de perdre la partie. "


" Certains êtres, à mesure que le temps passe, deviennent de plus en plus libres: ils se redressent au lieu de s'affaisser. Il émane d'eux une énergie étonnante. Ils sont lumière pour qui les rencontre. J'aimerais savoir ce qu'ils ont fait des ombres de leur passé. De leurs regrets, de leurs déchirures. Comment ils s'en sont arrangés. Parce qu'on n'oublie rien, je le sais ce soir. On n'oublie rien. Quand bien même on s'est efforcé du contraire: le passé vit en nous. Masse informe tapie au plus profond de soi, qu'on pourrait croire endormie mais qui veille.. Alors, eux, ces êtres de lumière: comment font-ils ? "

" Pourquoi faudrait-il ne retenir de la vie que sa part de lumière ? C'est l'ombre qui donne à la lumière sa splendeur. Cela peut paraître effroyable de dire ça, mais si nous n'avions pas perdu Clara, je n'aurai pas su la valeur de l'instant. La valeur de la terre, des petites choses, la valeur de toi avec moi.. Quelques heures cette nuit. "


" Je pense soudain à une parole [...] Le soir en s'endormant, dans un souffle elle me murmura < Crois-tu qu'il existe des gens qui ne connaissent pas la joie ? Qui passent une vie entière sans la rencontrer ? > Je n'avais rien répondu. Elle s'était depuis longtemps endormi que je veillais encore, les yeux grands ouverts, bêtement stupéfait de comprendre , grâce à elle, que les instants de bonheur, de joie, oui, il fallait oser prononcer le mot et elle l'avait fait, et grâce à elle j'en prenais conscience et cette découverte m'y faisait pleinement accéder, me la rendant réelle. Nous étions dans la joie et nous le savions. Qu'aurions-nous pu désirer de plus ? "


" La vie avait inventé ce que nous n'avions pas su imaginer "


" J'ai appris que le sentiment d'éternité ne s'inscrit pas dans l'avenir, mais dans la profondeur et la défaillance vertigineuse du temps "


" Comment fait la vie pour donner et prendre en même temps ? "





Puisque rien ne dure .. (pas même le bonheur)