Vous n'êtes pas le livre, vous êtes le stylo.
Décembre 2004, j'ouvrai la pièce pour la première fois depuis trois ans. Les choses y étaient encore comme nous l'avions laissé, le livre que tu lisais était encore posé là sur la commode en face de la fenêtre qui donne sur le jardin, avec la chaise et ses oreillers que tu affectionnais tant en hiver durant tes lectures nocturnes. Il n'y avait pas ta tasse préférée, tu ne buvais pas de thé à cette époque là. Le livre sur la commode était déposé sur le rebord, un équilibre précaire qui montrait la trace de ton passage, tu avais sûrement dû partir en vitesse pour faire quelque chose... C'est vrai qu'une fois plongé dans ta lecture tu oubliais le monde qui t'entourait. Derrière cette chaise en bois qui s'exposait directement en face de la fenêtre il avait cette bibliothèque que tu as remplis personnellement petit à petit et avec toujours la même addiction, de livres qui t'avais plu, dont le titre évocateur t'avais donné envie de les lire ou bien simplement la photo de couverture avait attiré ton regard. C'est au détail que tu choisissais les livres, tu n'avais pas besoin de lire le résumé pour savoir qu'ils pouvaient te plaire. Simplement ils t'appelaient. Tu prenais beaucoup de plaisir à les parcourir pour savoir lequel allait être la proie à ton envie d'aventure, tu savais apprécier l'odeur des pages, la texture et la finesse de la première de couverture. Tu m'avais demandé de fixer des petites lampes pour permettre tes recherches même quand le soleil lui s'était couché. Elles sont encore présente aujourd'hui, avec beaucoup de poussière, l'ampoule elle ne fonctionne presque pas, un scintillement sur deux fait l'effet d'une étincelle qui n'aurait pas réussi à briller correctement. La pièce était comme en pause, elle s'était arrêtée à temps, une période donnée, celle de ton arrivée et finalement celle de ton départ.
De nous il ne reste plus aujourd'hui que ce que je garde en tête, profondément encrée dans ma mémoire de mes souvenirs radieux en ta compagnie, de ton rire qui traverse la pièce et de ton odeur qui se colle à moi. Tout ça au plus profond de ma tête, pour me rappeler que tu y vis encore. Que tu as quitté ce monde en oubliant de prendre tout l'amour que j'ai pour toi qui continue d'exister. Depuis j'ai laissé la porte de cette pièce ouverte, comme si tu allais revenir t'assoir sur cette chaise, t'enrouler dans un plaid et reprendre ta lecture, mais tu n'es plus. Qui, si ça n'est toi, finira ce livre.
