samedi 26 novembre 2016

Chapitre 653 - Échelle de taille







Tu sais parfois moi j’ai envie de me cacher sous la couverture de mon lit, de me rouler en boule et de me dire que tout ira bien. Même si c’est faux. J’ai envie d’être un caillou au milieu d’une montagne, de manière à ce que personne ne me remarque, que je sois comme invisible aux yeux des autres, qu’ils ne me remarquent pas et ne cherchent pas à savoir qui je suis ou ce que je suis et pas parce que je suis timide mais juste parce que j’ai envie d’être tranquille. Loin de tout ça quelques instants.
Je n’ai rien contre les gens, mais j’ai besoin de ressentir la petitesse de mon être parfois pour ne jamais oublier que je ne suis rien de plus qu’un être humain, c’est à la fois grandiose, j’habite comme chacun de nous des millions d’évolutions, des millénaires de sacrifices, d’études, de choix, de décision. Je représente tout ce que pendant 300.000 ans mes ancêtres ont décidés que j’advienne à être, à naître dans cette société qu’ils ont créé, ce monde tel qu’ils ont voulu le façonner avec leur succès et leur échec. Je suis des siècles de pensées, des années de guerre et de paix. C’est beaucoup j’ai ce morceau que je partage, que nous partageons tous sur terre avec l’histoire de notre monde. Parce que nous appartenons à ce monde d’une manière où d’une autre, dans notre passé nous trouvons notre identité, dans notre présent nous cherchons un sens et dans notre futur nous bâtissons les souvenirs que l’on gardera ou non de nous.


Nous portons le poids de notre existence mais aussi de ceux qui nous l’on permis. Je suis né parce qu’on m’a permis d’exister, ce monde a voulu de moi et j’hésite à savoir encore pourquoi. Alors je me questionne tu sais, je me demande ce que je serais, ce que je ferais, où je serais, la manière dont je me comporterais d’ici quelques années ou ici et ailleurs. J’ai besoin de me rappeler ma petitesse, j’ai cette envie pressante d’humilité de me souvenir que d’aussi loin que notre race existe, je dois avoir l’obligation de me souvenir que je ne suis qu’un de ces êtres permis les 7.000.000.000 d’autres. Qu’au-delà de ça nous ne vivons que sur une planète qui est dans un système solaire qui en abrite des dizaines d’autres, qui lui même est contenu dans une galaxie, qui elle-même contient des millions de systèmes solaires. J’ai besoin de me rappeler que malgré tout ça je ne suis que ce que je suis.


Un être sur deux jambes, avec deux bras, deux mains, une capacité de penser, de voir, de percevoir, de comprendre, sentir, voir, entendre, goûter, toucher, ressentir mais que je ne suis pas parfait, que je vais mourir, que je suis perfectible tout nous autres, que mon temps est déjà compté et que je dois apprécié beaucoup trop de choses en même temps pour m’en rendre compte. J’ai ce besoin si important de me rendre compte que je suis paradoxalement petit et immense à la fois dans ce que je suis objectivement, tout comme nous le sommes tous. Nous sommes des années d’histoire, d’évolution, de technologie, de culture, de guerre, de choix, de décision. Et à la fois nous ne sommes rien d’autre que nous même. Larguer dans un monde qui fait quelques 40.000km de long mais qui est l’une des planètes les plus petites de son système, et que le monde a beau me paraître grand il n’est lui que ridicule face à l’immensité de l’univers.

C’est de ça que j’ai besoin de me rendre compte. Que sans moi tout continuera toujours comme il en est, que ce monde tournera, que le soleil brillera, les nuages passeront les gens vivront et travaillerons, payeront leur loyer et facture mais que pour moi, à mon échelle, pour ce que je suis, sans moi il n’y a plus rien. Sans moi pour mener mon existence, il n’y en a tout bonnement plus. J’ai besoin de me rappeler que j’ai besoin du monde, mais que dans son infinité l’univers n’a jamais eu besoin de nous. Je dois et je le veux, me rappeler en permanence que ma vie n’a jamais été nécessaire à qui que ce soit et qu’elle est un cadeau bénéfique pour moi, et qu’en plus de ça… Je pourrais avoir l’immense privilège, le plus grand qui soit pour un être humain ; d’avoir une vie qui soit nécessaire à celle d’une autre personne.


J’ai besoin d’être un caillou, un enfant dans une couverture, pour me souvenir que je suis tout et rien à la fois. Ce paradoxe d’être « immensément petit ».

dimanche 6 novembre 2016

Chapitre 652 - A la gloire







Elle m’avait jeté un signe de la main et je ne voyais plus que son dos dans la ruelle qui s’engouffrait dans la nuit avant que celle-ci ne disparaisse au détour d’une autre rue. Le vent froid, et l’écharpe collée autour de ma nuque je m’apprêtais aussi. Le temps paraît indécis, aussi capricieux qu’une femme qui n’aurait pas son macchiato avant 9h et plus irritable qu’une blague sexiste d’un ex que l’on croise en sortie.

Les voitures se faisaient rares et les rues se vidaient, il n’était pas tard, le temps ne se prêtait simplement pas à une balade dans un parc ou un verre en terrasse, encore moins -et c’est tant mieux- à la sortie d’un gosse qui aurait fini par pleurer d’une crise d’exaspération ou peut être que c’était bien moi qui faisait une crise d’exaspération, depuis quand suis-je donc devenu si cynique au point de rendre mes pensées amères ?



La fille aux cheveux d’or avait fait son temps et avec elle toutes les couleurs qu’elles avaient pu m’apportés, les sursauts d’émotions, les envies folles et les projets élogieux… J’étais loin des rires et si proches des soupirs, je voyais nos journées d’automne se réécrire à travers les allées du parc que je sillonnais pour rentrer à l’appartement. A nous dans un fast-food jurant à tour de rôle que nos burgers étaient obligatoirement meilleurs que celui de l’autre, ou dans un bar à débattre de pourquoi mon cocktail faisait gay et pourquoi sa bière faisait trop viril, à nos rires de passages et nos moqueries courtoises. A tout ces mots horribles que l’on ne s’est pas dis parce que l’on s’aimait, aux instants de colères sulfureux qui nous donnait envie de gommer l’autre, de réduire en miette ce qu’il faisait. A nos voix, à la tienne qui parfois me donnait envie de te tordre le cou ou encore de t’enlacer dans mes bras. Les allées étaient vides, d’autres agrémentées d’une ou deux personnes marchant dans des directions communes ou inverses, ne se regardant pas, avançant eux aussi la tête dans leurs idées. Une autre allée, un vieil homme assis sur son banc les deux mains sur sa canne la tenant devant lui la tête baissée sous son béret, pensif à souhait. Les allées défilaient devant moi comme un carrousel de souvenir, intimidé par l’idée de me savoir si c’était la fin d’une période ou le début d’une nouvelle, j’ai préféré étouffer mon visage sous mon écharpe plutôt que de répondre, je le savais au fond… La fille au cheveux d’or… Où qu’elle soit, elle continuait de briller, avec ou sans moi et j’avais encore de ses étincelles en moi.