dimanche 29 octobre 2017

Chapitre 676 - Implacable




Un samedi fin d’après-midi sur la ligne 4 du métro parisien en Novembre
J’étais assis en attendant mon arrêt, la musique dans mes oreilles pour éviter de me rappeler ce silence assourdissant de vide qui résonnait dans la trame. Les personnes fixants leur smartphones, leur livres dématérialisés sur une tablette ou encore et les plus fameux, les fans de partage, ceux qui mettent le volume de leur musique suffisamment fort pour en faire partager ceux qui sont plongés dans le silence.
En cette fin d’après-midi, ni d’odeur d’urine ou de cigarette froide ne voguait dans le wagon. Simplement des corps inanimés tout comme je l’étais en attendant la station à laquelle ils devraient descendre.
A une station, une femme rentre, elle arbore dans sa main droite une canette de bière déjà ouverte depuis plusieurs heures, en cause l’état de la capsule et de la canette à force d’être malmenée entre ses petites mains. Des mains frigides, sales de crasses, des mains de la rue qui n’ont de semblables que celles des garagistes en fin de journée ou celles des gens de la manutention qui après avoir portés de lourdes charges s’en reposent les doigts. Des veines apparentes ressortes, des ongles à moitié cassés comme fissurés par le temps et l’usage.
Des épaules creuses, des avants-bras fins, des cuisses toutes aussi fine un allumette en somme. Une tige droite qui n’avait pas eu accès à l’hygiène ou même aux besoins les plus simples d’une vie du XXIème. Les cheveux en batailles, et encore bataille est ici un compliment, brouillon aurait dû être le mot, c’est même tout ce corps qui est en brouillon épuisé de vivre, à sa simple vue on sait que la vie n’est pas tendre. Le regard froid et vide à la fois elle balayait d’un retournement de tête de la gauche vers la droite l’ensemble de rame de métro.
Des lambeaux de tissus faisaient offices de vêtement sur son corps tout aussi amoindri, des trous dans ses chaussures noires sans lacets avaient été fait à force d’usure par le temps et les derniers temps dans la capitale, ces chaussettes étaient une variation de couleurs entre celle de la boue, de l’alcool, et de traces d’herbes vertes fraîches. Le visage creux, travailler par la tristesse du temps passé dans la rue, et par la haine de subir une injustice humaine, elle se mit contre une rambarde et attendant que le métro s’engouffre une nouvelle fois dans le tunnel, elle commença son discours :
« Je m’appelle Angelina j’ai 34 ans, je suis à la rue depuis un an et demi, je m’excuse de venir vous dérangez »
La voix roque et la gorge encore irritée elle déblatérait son discours sans enthousiasme ni humanité, vidé de tout sens à force de l’avoir répété encore et encore, elle était à bout cette Angelina, quelque chose l’avait frappé fort sur la route de ses projets. Elle ne s’en était pas remise, trente-quatre ans c’est jeune dans une vie, c’est même trop jeune pour subir ce qu’elle subi. Et pourtant pas une voix ne s’est prise pour l’interrompre durant son discours, pas un regard ne s’est levé dans sa direction pour lui faire comprendre que quelqu’un l’entendait. Elle ne parlait pas à un mur, mais à un vide qui refusait même de laisser résonner sa voix.
 « …Si vous avez quelques pièces, un ticket restaurant ou même des billets… »
La petite ne se refusait rien dans ses demandes, mais de toute façon qui lui en auraient voulu ? Personne ne l’écoutait. Elle avait le visage boursoufflé et pour cause elle expliquait qu’elle s’était fait tabassé la semaine dernière, elle n’était pas partie à l’hôpital se faire soigner, la situation avait empiré, elle avait un abcès rouge et clairvoyant en plein milieu du haut de son torse. Angelina demandait de l’aide comme on demanderait un logement à quelqu’un que l’on ne connait pas dans la rue. Elle n’avait comme à l’image des gens dans le métro aucune humanité. Elle avait dû la perdre en cours de route durant cette année où tout a basculé pour elle. Les gens ne sont pas du genre à s’ouvrir ou à parler dans les métros vous savez. Plutôt méfiant c’est d’abord « Qu’est-ce qu’il me veut » et « Est-il un risque pour moi ? » avant de se poser les bonnes questions. On apprend vite à comprendre qu’ici, plus il y a de monde et moins il y a de personnes. Que l’on pourrait se faire agresser sans même que quelqu’un lève le petit doigt pour assister à notre secours.
Angelina le savait, je le savais, tout le monde ici le sait. On se moque des autres tant que cela ne nous concerne pas.
Ayant fini son discours Angelina commençait à faire sa ronde dans la rame mettant sa main gauche en avant tandis que celle de droit tenait amèrement sa canette de bière à moitié vide.
En passant devant la porte de la rame quelqu’un lui demanda ce qu’elle avait au milieu torse, elle répondit abruptement :
«  C’est un abcès à cause de la bagarre de l’autre fois. Personne est venu m’aider, j’ai mal et j’ai besoin d’aide, mais à l’hôpital ils s’en fichent de moi. »
Manque de chance pour elle, la personne qui l’avait interpellé était manifestement un brancardier dans un hôpital public de la capital, et il lui assurait qu’elle pouvait et surtout qu’elle devait être prise en charge. Angelina n’ayant pas perdu toute sa jugeote demanda quelques pièces. La personne lui répondit par la négative, jugeant qu’elle ne savait pas ce qu’Angelina allait faire de cet argent, à raison et non à tord.
« Vous z’êtes ni juge ni bourreau, je vous demande de l’aide et vous êtes pas foutu de le faire, alors que pour faire des gosses là vous êtes présent là vous voulez bien l’argent de l’état. Moi j’ai trente-quatre ans, j’ai jamais été marié j’ai jamais eu de môme, et j’ai jamais piqué dans les caisses de l’état. Alors va te faire foutre avec tes histoires, soit tu m’aides soit tu m’aides pas. Je demande même pas un billet, juste des pièces pour me loger ce soir. »
Oh Angelina, ça n’est pas une manière de demander de l’aide ça, et je ne pense pas être le seul à juger de cette manière aux regards de la tête des autres voyageurs qui étaient sortis de leurs torpeurs pour écouter ce semblant de vie que tu nous fais là. Et bizarrement, si, tu l’as bien demandé ce petit billet que tu nous dis ne pas avoir réclamé.
L’homme l’écoutait sans vraiment y prêter de l’attention, elle parait comme un crayon de couleur dans les mains d’un nourrisson; dans tout les sens, c’était des hurlements, de la fureur de se voir refuser sa demande.
« On doit jamais rien vous dire à vous, vous faites des enfants pas pour les aimés mais pour l’argent. Y a que ça qui compte pour vous. Alors ferme ta gueule ! »
Elle n’a pas tord Angelina, même si il faut être fou pour croire que la France abrite autant de gens se servant de la CAF pour vivre sur le dos de leurs enfants, bien qu’horrible, cette situation existe mais heureusement, à très basse échelle.
En avant à ma hauteur, un autre individu que je n’avais pas remarqué se mit au travers de sa route.
«  Tu me veux quoi toi ? » rétorqua Angelina.
C’était un homme d’un bon mètre quatre-vingt dix, une casquette sur la tête, les cheveux rasés visiblement, peut être lui aussi dans la trentaine, un veston en cuir (les plus observateurs diront « simili-cuir »), un pantalon bleu clair collant ses jambes et des bottines couleurs crèmes. L’odeur de la bière ambiante mélangé à son parfum ne faisait pas un excellent mélange, je sais de quoi je parle, j’étais aux premières loges.
 « Pourquoi est-ce que tu cris ? » demanda calmement l’homme.

« J’ai pas à te répondre dégage de là. » rétorqua Angelina.

L’homme enleva sa casquette, passa sa main sur son front comme pour réfléchir.
«  Tu crois que tu peux venir demander de l’aide aux gens puis les insulter quand ils ne répondent pas « oui » à ce que tu leurs demandes ? Tu crois sincèrement que tu peux continuer ta rode pour avoir de l’argent en croyant qu’ici quelqu’un va t’en donner ? Tu traites comme de la merde les gens, parce qu’au fond tu te sens comme une merde pour ce qui t’arrives. Ici même si on te regarde pas ou te parle pas, sache qu’on est désolé de ce qui t’arrives. Mais on va pas te le dire. Te le dire pourquoi faire ? Ca ne va rien changer, ce soir tu dormiras dans la rue, demain aussi et peut être même les autres jours. Mais ce qui peut changer c’est ton attitude, et elle va changer maintenant. Faut que t’arrêtes de croire que tu peux nous parler comme si on était les mêmes merdes que toi. On ne t’as rien fait ! Alors oui t’as la rage, et j’imagine qu’ici dans ce métro si cette chose nous arrivait aussi on aurait la rage. C’est pas une raison, c’est pas parce que tu as la rage que tu peux en vouloir au monde entier. On y pour rien dans tout ça, on a rien fait pour te mettre dedans nous, et visiblement de la manière dont tu nous parles Angelina, on va rien faire pour t’en sortir. Quelque part, tu ne l’avais peut être pas mérité cette situation avant, mais aujourd’hui elle se mérite. Tu ne peux pas cracher sur les gens et leur demander de t’aider. C’est impossible. Je peux pas avoir de la compassion pour toi maintenant, quand la personne devant moi t’as questionné sur quelque chose et que tu l’as envoyé se faire foutre. Ici t’auras rien de personne et encore moi de toi. »
Choc émotionnel, même les plus assidus dans la lecture de leurs livres se sont arrêtés et on écouté cet homme qui faisait face à Angelina, il avait raison, et à la fois tord de tirer au missile sur une épave déjà mal en point, mais la réalité était comme ça. Sa haine aussi forte soit-elle n’avait pas à nous consumer.

Angelina elle n’avait rien dit, elle avait attendu que le métro s’arrête pour sortir de la rame, et se dispersant dans la masse lointaine du quai de métro je me disais que finalement la vie était plus dure qu’elle ne le pouvait paraître, surtout dans les moments opportuns.

samedi 28 octobre 2017

Chapitre 675 - Demain






« Comment sera demain ? »

« Beau demain sera beau à condition que tu y mets du tiens. »

« Quel temps fera-t-il ? »

« Un temps parfait pour t’épanouir. »

« Il faut que je trouve le temps de donner un sens à ma vie, de manière à ce que, quand je mourrais je pourrais au moins définir ma vie et ce qu’elle a été. » 

« Ca ne se prévoit pas comme une assurance santé ce genre de chose là tu sais. »

« Mais si l’on en parle pas, on laisse la chose tabou on continue de se fier à l’illusion que ça implique de croire que la mort n’est que la fin de l’existence alors qu’elle en fait partie. »

« Il y a des choses qui doivent se vivre avant de les réaliser. »

« Réalise-t-on quand on meurt que tout s’arrête comme le générique de fin d’un film ? »

« Je ne sais pas si la mort a un côté cinéphile. »

« Comment sera demain alors si cela arrive ? »

« Beau, demain sera beau, parce qu’il le sera avec ou sans nous, c’est tout nous d’imaginer que demain sera meilleure en pensant que le présent n’est pas à la hauteur tout en rêvant du passé. »

« On a comme l’impression d’appartenir à plusieurs époques à la fois. »

« Parce qu’en définitive on se sait perdu de tout, fixé à une planète au milieu de la galaxie lointaine. On se lance des bouteilles à la mer en espérant des choses. »

« J’espère que demain ira mieux alors. »

« Faisons en sorte d’aller mieux à notre tour. »

« Tu crois qu’on complique beaucoup le temps qui nous est donné en réfléchissant de la sorte ? »

« Je crois que si j’avais le choix entre faire ce que nous faisons ensemble ou feindre la moquerie de l’ignorance, je choisirais tout de même la première proposition. On ne fait pas grand chose mais on tente d’y donner un sens. C’est toujours mieux de profiter de quelque chose en sachant sa valeur sur l’instant qu.. »

« Que de passer son temps à en profiter pour finalement quand le temps est révolu être nostalgique du passé et vu que le présent est décevant, espéré que le futur sera meilleur. » 

« Les insouciants sont ceux qui passent à côté de la vie. Cette extase de réalisé et de vivre en même temps. »

« Y a-t-il plus belle expérience que la prise de conscience de se savoir en vie ? »

« Je ne sais pas, nous verrons demain. »

vendredi 27 octobre 2017

Chapitre 674 - Dissimule







Tu te souviens de tout ça ? Je n’en oublis rien de tout ce que nous avons fait. De nos soirées le samedi soir à se déchirer pour savoir quels films nous irions voir, dans quel restaurant dîner ou nos glorifiant discours sur nos séries préférées.

De ces nuits qui s’animaient à la chaleur haletante de ton souffle sur ma nuque, de mes crocs dans tes clavicules, la nuit passait de samedi à dimanche tandis que nous passions de l’un à l’autre, à l’un sur l’autre. 

Tapis au plus profond de moi ces souvenirs continuent de vivre dans les cendres de mon passé, je ne peux pas les oublier, je ne peux pas plus les rejeter que ce que je fais, et pourtant parfois quand je flanche, ils se présentent à moi comme un baume miracle, d’une douceur sans fin à laquelle je me refuse de résister, de ces moments de joie et de calme à tes côtés je ne suis que faiblesse.

Ce sont les détails qui m’achèvent, le souvenir de ma main passant la paume de ton visage, de mon pouce effleurant ta lèvres inférieures, de ma main passant tes côtes et empoignant ton sein nu sous la couverture, de cette odeur d’amour qui nous réveillait chaque matin collée l’un à l’autre. Je me refuse à oublier ses moments où j’étais conscient d’être heureux qu’avais-je à envier de plus que l’insouciance d’une vie de responsabilité, c’était ça le luxe. Le grand.




jeudi 26 octobre 2017

Chapitre 673 - Vieille douleur






La forêt était à son aurore, une lumière de fin de journée traversait les feuilles de chênes et retombant directement sur le sol jonchant de feuilles et de branches d’arbres encore humides. Devant le feu de camp se présentait un grand et large lac, de la vue du feu de camp cachée entre tout les arbres et feuillages, il laissait transparaitre un espace pour admirer l’étendue d’eau, comme une fenêtre du premier étage d’une maison, un horizon plaisant.

Des oiseaux au loin, et tout autour du lac une nature florissante accompagné de son cortège de faune, quelques cygnes et autres faisaient leur baignade assurée à la vue du soleil couchant.

J’étais devant ce feu de camp, regardant le ciel bleu azur devenir pourpre puis rouge violet et finalement magenta. Le calme avant rien du tout, ce soir pas de tempête ni dans le ciel, ni dans mon coeur. Le feu crépitait par moment comme quelqu’un qui ronge un os, lui s’occupait des branches que nous lui donnions, une bête affamée de chaleur et qui consommait lentement les branches jusqu’à en laisser de la poussière le long des grosses roches que nous avions mis autour du feu pour le protéger de lui même. Ne pas laisser une vieille flamme vous brûlez une seconde fois parait-il.

À la manière de ce feu, je ne sais pas si ce sont mes envies qui me consumeront ou bien l’inverse.




jeudi 12 octobre 2017

Chapitre 672 - Un jour tu réaliseras combien je me souciais








Un jour tu réaliserais combien je me souciais de toi, oui de toi quand je te regardais dormir, quand je te regardais et que tu me fustigeais de nombreuses remarques disant que tu détestes ça, de ces instants à caresser à tes cheveux et à te dire à quel point j'aimais ça. Tu réaliseras à quel point je me souciais de tout ça, de ta tête quand tu te brosses les dents, que tu regardes une vidéo drôle ou encore devant un exercice que tu ne comprenais pas. Tu comprendras sûrement trop tard, quand je ne serais plus là à quel point tu comptais, à quel point tu étais débile de toutes les idées que tu avais de ne pas te croire importante pour moi. Tu réaliseras toutes les fois où je t'ai dis que je t'aimais autrement qu'avec ma voix, mais plutôt par des gestes, des regards. Tu réaliseras tout ça, une fois que tu me compareras, et cette fois-là tu prendras conscience que loin de ma glace, c'est mes flammes alors disparues qui brûlent. Un jour tu réaliserais combien je me souciais de toi, mais sûrement pas aujourd'hui et peut être un peu moins demain, à moi tu n'as jamais cessé de me manquer même en étant proche de toi, parce qu'en définitive tu restais loin.